La Miss Addis en taxi

 

Ce matin je suis toute excitée. On va prendre un beau taxi jaune et traverser tout Nouakchott.

J'ai emmené le Grand Machin en Mauritanie et on a dormi dans la maison de Meissa.

Après, on part dans le désert parce que le Grand Machin et ben, il est invité à un mariage et doit faire les photos.

Avec nous, on a aussi emmené Sylvie qui est une grande journaliste. Et P-Léo qui est son fils et que j'aime beaucoup aussi parce qu'il est très intelligent et très amusant avec ses blagues.

 

Matta va bientôt arriver et il a même commandé un taxi.

Matta il est très fort et il connaît tout le monde. Je l'aime beaucoup.

Après on rejoindra Salek qui s'occupe du 4x4.

Matta est très fier d'avoir réservé un taxi et il en parle tout le temps.

 

Le Grand Machin il court partout et il fait l'intéressant à tout vérifier. Et tout le monde fait oui de la tête pour lui faire plaisir et lui faire croire que c'est lui le chef.

Moi, j'ai aussi préparé toutes mes affaires et mes lunettes de soleil et mon chapeau de baroudeuse et mon pantalon de toile avec de grandes poches. On sait jamais, il faut se protéger du soleil et des piqûres dans le désert ! Et puis, j'aime bien être la plus élégante même si j'ai pas besoin de chapeau pour ça.

 

Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! ! ! Je suis contente contente contente ! ! ! Et j'arrête pas de faire oui de la tête pour faire plaisir au Grand machin pour qu'il soit content aussi.

 

Matta vient d'arriver avec un grand sac où il met toutes ses affaires. Le Grand Machin, lui, fait ses yeux noirs parce que je cours tout autour du plateau d'argent où on sert le thé et que je fais des cabrioles sur les banquettes tellement je suis contente.

Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa ! ! !

Alors je lui fais oui de la tête et Matta et Sylvie et P-Léo et Meissa et les enfants aussi pour qu'il soit content.

Mais ça a pas l'air de le calmer alors je m'assoie à côté de la théière et je fais semblant de préparer le thé.

 

Pfffffffffffffffffffffffffffffff

 

Toutes les affaires sont prêtes et attendent dans le petit jardin devant la maison.

Un vilain chat s'approche de nos sacs.

Je me cache derrière le rideau de la fenêtre et je lui fais BOUHHHH !

Kri kri kri ! Il a eu peur le chat et il est parti. Kri kri kri !

 

Telle Chateaubriand sur son rocher, je me poste à la fenêtre. Mais je suis plus jolie que lui et surtout plus optimiste quand même.

Enfin, dans un grand nuage de poussière, je vois arriver LE TAXI.

Il est d'un beau jaune vif mais son aile droite est toute cabossée.

Bon, il a dû avoir un petit accident en arrivant.

 

Je donne le signal du départ et je sors de la maison avec mon sac à dos sur le dos, mon chapeau sur la tête, mes lunettes de soleil sur le nez, et mon pantalon de baroud avec ses grandes poches bien repassées.

Derrière il y a le Grand Machin, Matta, Sylvie et P-Léo.

Ils sont tous très beaux aussi, mais moins que moi quand même.

 

Ils chargent les bagages dans le coffre pendant que je fais le tour du beau taxi jaune.

L'aile avant gauche aussi est toute cabossée.

A l'arrière aussi d'ailleurs.

Il y a un joli bout de ficelle rouge pour fermer le coffre. Et tout plein de bouts de ruban adhésif de toutes les couleurs sur la carrosserie.

Je comprends que c'est pour que le sable ne rentre pas dans la voiture et que les trous dans les portières sont très intelligemment installés là pour faire des courants d'air. C'est souvent comme ça en Afrique, ils sont vraiment très ingénieux. Et en plus c'est très joli.

 

Le chauffeur de taxi m'ouvre la porte à l'avant, parce que c'est un homme du monde.

Mais le Grand Machin me lance un regard noir et monte devant.

Comme je veux pas gâcher la bonne ambiance, je fais oui de la tête pour lui faire croire qu'il est le chef et monte derrière sur les genoux de Matta, à côté de Sylvie et P-Léo.

 

Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii ! ! ! On est dans le beau Taxi jaune et c'est beaucoup plus rigolo qu'un tour de manège.

 

Matta tient sa main droite en l'air pour tenir le plafond qui lui tombe sur la tête. Et le Grand Machin se retrouve à l'avant avec la manivelle de la fenêtre dans la main...

Discrètement il la met dans le vide poche de la portière de son côté.

 

Je crois que ce beau taxi jaune est quand même un peu cassé quand même. Mais il est vraiment très joli avec toutes les images et les bibelots de toutes les couleurs de partout.

Le chauffeur tourne la clef du démarreur. Mais il n'y a pas de clef. En fait c'est un tournevis. Je me dis que c'est quand même plus intelligent car cela évite de perdre ses clefs.

 

Je suis contente contente contente !

 

Le moteur fait peuf peuf peuf.... crache un gros nuage de fumée noire... alors, nous aussi on fait peuf peuf peuf...

Le Grand Machin lance un regard noir à Matta et Sylvie et P-Léo rigolent. Matta, lui, fait semblant de regarder dehors.

En fait, cette Mercedes des années 80 marche très bien ! Le moteur est très silencieux.

Ah non, le moteur, il a juste fait peuf peuf peuf mais n'a pas démarré.

 

Le chauffeur de Taxi tourne à nouveau la clé-tournevis et là, ça fait kriiii crummh peuf... tchoum peuf peuf ...

Nous, on fait juste peuf peuf peuf dans le nuage de fumée noire et le Grand Machin lance un autre regard noir à Matta. il doit être très triste parce qu'il a les yeux pleins de larmes... Sylvie, P-Léo, Matta et le chauffeur de taxi aussi d'ailleurs. Sauf que Sylvie et P-Léo se cachent pour rigoler. Moi j'ai envie de sautiller sur la plage arrière du beau taxi jaune tellement je suis contente. Mais le Grand Machin me lance un autre regard noir. Alors je me cale sur les genoux de Matta et je regarde le plafond qui tombe sur la tête de mon copain.

 

Tout le monde fait oui de la tête. Même le chauffeur de taxi. Je suis pas sûre qu'il sache pourquoi, mais il doit être très intelligent.

Le Grand Machin, lui, fait semblant de pas nous voir et joue avec la poignée de la vitre qu'il a reprise dans le vide poche. Là, c'est le chauffeur de taxi qui lui fait les yeux noirs.

 

Deux ou trois peuf peuf vroummm kri tchoui zoin et enfin le moteur démarre.

Il y a plein d'enfants tout autour de la voiture qui se mettent à applaudir et sauter en l'air avec les bras levés au ciel.

Le chauffeur bouge le levier de vitesse et en avant ! Nous sommes partis dans un grand nuage de poussière et de fumée noire.

 

Les rues de Nouakchott défilent à toute vitesse de chaque côté du taxi qui fait pouf pouf crouiii bong plein de fois.

Pour éviter de faire trop de bruit, alors, le chauffeur de taxi allume l'autoradio et met la musique à fond. Matta veut mettre ses doigts dans les oreilles mais il doit tenir le plafond qui lui tombe sur la tête. Sylvie et P-Léo se cachent tellement ils rigolent et le grand machin assis devant s'accroche à la poignée fixée au plafond du taxi.

 

Moi, j'aime bien la musique et je danse sur les genoux de Matta.

 

J'adore Nouakchott. Normalement on traverse la ville avec Salek ou Meissa, mais là, c'est beaucoup plus rigolo. Le taxi connaît bien son métier et conduit beaucoup plus vite.

Il y a toujours plein de gens sur la route, qui traversent, qui discutent, des chèvres qui se promènent ou des chiens installés au milieu de la route et qui se grattent les oreilles, des vieux qui vont faire le marché et qui se faufilent entre les voitures aussi.

 

Moi, je m'accroche au dossier du siège devant moi et je me penche dans les virages quand le taxi double les voitures au dernier moment. Hiiiiiiiii haaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa !!!!

 

Matta, lui, il a fermé les yeux. Sylvie et P-Léo ne rigolent plus du tout. Et moi je frétille du popotin au rythme de la musique. Je suis contente contente contente !

 

Je vois arriver sur la droite une voiture toute cabossée... Mais le chauffeur de taxi regarde à gauche parce qu'il est en train de parler très fort en faisant des gestes à un autre chauffeur de taxi qui dépasse la même voiture en même temps que nous.

Pour faire les gestes il a lâché le volant et conduit avec les genoux.

Ils doivent être de très bons copains parce qu'ils se disent plein de choses en Mauritanien et parlent très fort à cause de la musique.

 

Moi, j'arrête de frétiller du popotin.

 

Le Grand Machin à l'avant se retrouve avec la poignée dans la main.

Matta rouvre les yeux et tire sur la barbe du chauffeur de taxi qui en profite pour regarder devant lui et donne un coup de frein et de volant. On passe tout près de la voiture qui arrivait de la droite.

 

Mais le chauffeur de taxi a dû oublier de dire quelque chose à son copain car il accélère très fort.

Moi, je tombe en arrière et j'ai juste le temps de voir le Grand Machin jeter la poignée qu'il a arrachée du plafond au-dessus de son épaule et c'est Matta qui la rattrape et la jette par la fenêtre.

Le chauffeur de taxi il va pas être content quand il va s'en apercevoir !

 

Sylvie et P-Léo ne rigolent plus du tout.

 

J'arrive à regrimper sur les genoux de Matta et là, je vois en face de nous, un dromadaire en plein milieu de la route qui porte plein de paquets sur son dos !

Le chauffeur de taxi lui, il regarde dans tous les sens pour retrouver son copain.

Tout le monde dans la voiture fait " Hiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii " sauf le Grand Machin qui fait " Héééééééééééééééééééééééééé ! " avec sa grosse voix.

Le chauffeur de taxi doit avoir des courses à faire à ce moment là car il donne un coup de volant et on monte sur le trottoir. Tout le monde se met à courir devant nous et je vois une ou deux poules qui sautent sur le capot en poussant des cris stupides.

 

Il y a des plumes qui rentrent dans le taxi et le grand machin cherche la poignée au dessus de sa tête, poignée que Matta a jetée par la fenêtre.

 

Moi, je commence à avoir un peu mal au coeur...

 

Alors, le Grand Machin se tourne vers le chauffeur de taxi et essaie de lui dire quelque chose que je ne comprends pas à cause de la musique. Mais le Grand Machin a dû manger quelque chose de bizarre ce matin parce que ce qui sort de sa bouche fait "Argh greuuhhhh tuuuuu uuuuh vaaahhhh telecalllll meeerrrr ouuuu he te keumf kreumf..." et il postillone très fort ce qui ne lui arrive jamais. Matta approche ses mains ouvertes du cou du chauffeur de taxi mais la voiture saute sur une bosse et il se retrouve au fond de la banquette.

Sylvie cherche la poignée de la portière comme si elle voulait descendre, et P-Léo est tout blanc.

 

Moi, j'ai de plus en plus mal au coeur.

 

Le chauffeur de taxi revient sur la route et a dû comprendre qu'il ne retrouverait pas son copain car il roule tout doucement.

Le Grand Machin, lui, tient la manivelle de la vitre dans la main droite, comme quand il tient un os de poulet quand on mange ensemble dans le désert et regarde fixement le chauffeur de taxi. Il a son regard très très noir et personne n'a envie de faire oui de la tête pour rigoler. Le chauffeur lui regarde droit devant lui et Matta a sorti la tête par la fenêtre pour prendre un peu l'air.

 

Je crois que le Grand Machin va exploser, mais voilà qu'on se retrouve dans un embouteillage.

Le nuage de fumée noire nous a rattrapé parce qu'on commence à faire peuf peuf dans la voiture.

 

Nous sommes donc arrêtés dans l'embouteillage quand tout à coup, toutes nos têtes se tournent vers la gauche. Une très vieille Peugeot 404 arrive tout doucement d'une ruelle.

C'est rigolo, il n'y a personne au volant.

Je regarde mieux et je vois le sommet de la tête du conducteur dépasser de dessus du volant et ses yeux grands ouverts qui nous regardent.

Tout doucement il traverse la route dans notre direction. Ce qui fait que les voitures dans l'autre sens sont obligées de freiner très fort. Sylvie qui est de son côté se jette sur P-Léo et Matta. Moi, j'ai juste le temps de me réfugier dans les bras du Grand Machin pendant que le chauffeur de taxi ouvre tout grand la bouche au milieu de sa barbe toute hérissée.

La vieille Peugeot ne freine même pas et tout doucement, vient s'arrêter contre la portière du chauffeur de taxi. Je trouve ça très rigolo parce que notre voiture fait comme un bateau qui tangue. Mais juste une fois.

 

Le chauffeur de taxi doit aussi connaître le Monsieur parce qu'il se met à lui parler très fort en Mauritanien, baisse sa vitre, pousse la vieille Peugeot pour sortir et sort. Il a pris avant de sortir un gourdin, certainement pour aider son copain à enlever les bosses de la carrosserie de la vieille Peugeot.

Là, je me rends compte que le chauffeur de taxi est très grand ! Et je me dis que la nature est bien faite quand même parce que j'avais remarqué qu'il sentait très fort des pieds. Et que comme il a de très longues jambes, ça lui évite d'avoir les orteils trop près du nez.

 

Le Grand Machin lui est très calme et regarde partout dans la voiture en demandant si personne n'a vu la poignée du plafond que Matta a jetée par la fenêtre. Matta dit à Sylvie de ne pas s'inquiéter, que les deux conducteurs doivent être des connaissances et que ça va s'arranger.

Le chauffeur de taxi enlève quelques bosses de la carrosserie de la vieille Peugeot avec son gourdin en criant très fort (certainement des formules magiques) et son copain se fait encore plus petit derrière son volant en criant lui aussi plein de formules magiques en Mauritanien pour aider son copain à redresser les bosses de la carrosserie.

 

Moi, j'ai beaucoup moins mal au coeur et j'ai envie de faire pipi.

 

Tout à coup, tout s'arrête.

Le chauffeur de taxi remonte dans la voiture et on s'en va.

 

Quelques minutes se passent et le Grand Machin a repris la poignée de la vitre et il la tient toujours comme une cuisse de poulet en regardant fixement le chauffeur de taxi.

 

J'ai de plus en plus envie de faire pipi.

 

Tout à coup, le chauffeur de taxi dit, en parlant de son copain de la vieille Peugeot :

" Il apprend à conduire, il sait pas encore bien freiner. Je peux rien lui dire, c'est normal. "

 

La poignée de la vitre tombe de la main du Grand Machin et Matta fait oui de la tête.

 

Nous, on est arrivés et je vois Salek qui nous attend avec le 4x4.

 

Je vais aller faire pipi avant de le saluer.

 

J'aime pas les taxis à Nouakchott.

 

La Miss Addis

 

PS : J'aimerai bien mettre plus de photos pour illustrer cet article, mais le Grand Machin n'en a pas fait. Je me demande bien pourquoi....